08 mai 2008

Comme une trace sur le sable

De plus en plus fragile et de plus en plus vulnérable, notre mère souffre de démence, ma sœur. Ne lui demandons plus d’être raisonnable: son esprit s’embrouille, ses propos s’emmêlent, ses idées s’embrument, sa mémoire s’évanouit. Seuls, ses souvenirs lointains demeurent.

De jour en jour, elle rétrécit et se ratatine pour se glisser lentement mais sûrement dans la peau de chagrin de sa déchéance irréversible. Irréversible! Le mot tombe dans ma tête comme un assommoir. Je ne comprends pas. « L'entrée dans la vieillesse ne devrait se référer à aucun âge particulier mais à un état d'incapacité fonctionnelle …» Etc.

Comment est-ce possible, qu’en 2008, alors que tous les espoirs (et désespoirs) scientifiques sont permis, et qu’entre-temps on se promène gaiement dans l’Espace pour savoir si on y est …, mais qu’on tarde tant à guérir ce mal qui afflige tant de monde, en ce moment?

Certes, dans tous les sens qu’on voudra bien lui donner, la folie, elle, n’a pas d’âge. N’a-t-on pas fait disparaître les institutions psychiatriques pour les remplacer par des CHSLD?

En tout cas, les malades mentaux d’autrefois, enfin ceux qui se sont évanouis depuis dans la nature, auront-ils la chance de connaître le même bonheur que leurs semblables, nos aînés d’aujourd’hui? Je veux dire ici celui d’attendre patiemment la mort dans le triste ré-confort d’un asile gériatrique? Et cela, jusqu’à ce que Dieu daigne bien se rappeler d’eux! En passant, comment veux-tu qu’on se souvienne d’eux, ici-bas, si Dieu en personne parfois les oublie …?

Désormais, certes, de vague en vague, je sais bien que la mer, qui l’a vue naître, finira tôt ou tard par emporter notre mère. Comme une trace sur le sable, on dirait!

Mais c'est pour ne pas l'abandonner à son sort que, jusqu'à hier, je me laissais doucement emporter avec elle ... Merci, petite sœur, de m’avoir tendu à temps la perche de la raison!

2 commentaires:

  1. Salut May,

    Désolée pour ta maman... je pense souvent à toi.

    Très touchant ton texte... et ton grand désarroi.

    Courage, le soleil fera de nouveau briller tes beaux yeux bleus.

    Take care fidèle amie!

    Juste une petite chose, j'aurais aimé lire ton texte sur la "Vulnérabilité des aìnés" mais il a un mauzus de cadenas. Si tu peux le recopier ici, ça serait super. Merci.

    JdA xx

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  2. Anonyme6:28 p.m.

    Bonjour J-d'A,

    Merci, chère fidèle, pour tes bons mots. On m'a mise en «congé forcé» pour quelques jours. J'en ai profité pour jouer un peu au golf avec notre amie Jo. Tu la connais, je crois. Cela m'a fait du bien.

    Maman ne pourra plus retourner chez elle. Elle ne le sait pas encore.

    Voici le texte du Devoir.

    May xxx



    Avec le grand âge viennent les maladies chroniques. Les trois quarts des plus de 70 ans en comptent au moins une. Une vulnérabilité qu'un simple séjour à l'hôpital peut faire basculer en extrême vulnérabilité, notent les Dres Marie-Jeanne Kergoat et Judith Latour. Présentée hier à l'occasion du colloque «Un hôpital accueillant pour les personnes âgées», leur étude montre en effet que les hôpitaux devront dépoussiérer leurs méthodes s'ils veulent passer le test du grand chambardement qui viendra avec le vieillissement des baby-boomers.

    Pour l'heure, les patients âgés hospitalisés reçoivent des soins similaires à ceux offerts au reste de la population. «On met encore toutes nos énergies à soigner la maladie, l'organe pris en faute, mais on oublie souvent la personne au passage», regrette la Dre Kergoat, qui dirige le département de médecine spécialisée de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Cette approche à sens unique n'est pas sans conséquences. Confiner une personne âgée à son lit équivaut souvent à faire en sorte que son autonomie se réduise comme peau de chagrin.

    Et il suffit de peu de temps pour qu'un déclin fonctionnel fasse son nid, confirme la gériatre. «Un séjour de 48 heures à l'urgence peut suffire pour que des acquis disparaissent pour longtemps, sinon pour de bon. Mettez une sonde à un patient âgé, par exemple, et l'incontinence s'installera très rapidement.» Avec un peu de chance, ce patient pourra regagner son autonomie perdue au prix d'une longue rééducation. Plusieurs en seront toutefois quittes pour revenir à la maison avec une vulnérabilité de plus.

    Les deux chercheuses ont en effet pu voir que dans un échantillon rassemblant 934 hospitalisations pour une simple chute avec traumatisme, 20 % des patients avaient été redirigés à leur départ vers des structures plus lourdes que celles qui les accueillaient avant leur entrée à l'hôpital. En moyenne, les patients sont aussi repartis avec deux comprimés de plus dans leur pilulier.

    Le Québec n'est pourtant pas dépourvu de ressources pour prévenir de telles pertes. Il compte déjà sur un réseau de 71 unités de courte durée gériatrique (UCDG), dont le mandat est justement d'accueillir cette clientèle vulnérable. Le hic, c'est que les ressources humaines, financières et même matérielles ne sont pas réparties équitablement dans ces unités, raconte la Dre Kergoat. «Nous avons noté une grande hétérogénéité au sein des UCDG, ce qui a une incidence directe sur la manière dont on prend les patients en charge.»

    Destinée d'abord aux soins aigus et à l'évaluation, cette vocation n'est en réalité prioritaire que dans 36 % des UCDG. Toutes les autres se consacrent plutôt à la réadaptation, un service qui pourrait pourtant être offert à moindre coût dans des milieux moins spécialisés, croient les deux chercheuses. «L'accessibilité des unités est bonne, il faut en moyenne 1,9 jour pour y être admis. En revanche, l'accessibilité du personnel qualifié l'est beaucoup moins. Par exemple, deux unités sur trois n'ont pas accès à un pharmacien», raconte la gériatre.

    Comme ailleurs dans l'hôpital, l'approche médicale reste elle aussi centrée sur la maladie, et ce, au détriment du maintien des capacités fonctionnelles. Cette lacune se traduit dans les dossiers médicaux, précise la Dre Kergoat. «La continuité informationnelle est très bonne en ce qui a trait aux informations traditionnelles, mais elle l'est beaucoup moins quand il s'agit de transmettre des données touchant à l'autonomie de la personne. Nous pensons qu'un résumé médical mieux adapté permettrait de corriger bien des lacunes.»

    Ce discours est très bien accueilli dans les UCDG, assure la Dre Kergoat. «Les gens s'intéressent à la question mais manquent d'outils. Voilà pourquoi nous avons entrepris, de concert avec l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke, de rédiger un guide des bonnes pratiques.» Objectif: repérer rapidement les aînés vulnérables de manière à préparer le congé sitôt qu'ils sont admis. Et peut-être ainsi mettre fin au phénomène du patient yoyo qui, sitôt sorti de l'hôpital, y revient au galop.

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