Dis bien haut, ma mère, la beauté et les fois où ta mémoire vient se fracasser sur le rocher des âges.
« Je suis Évangéline à Elly, à Aldéric, à Aimée, à Minic. Je suis une immigrée. Oui, je suis née au Cap en face de chez Azade à Ilda, à Marie, à Vilbon. J'ai émigré au Havre-Aubert au ras de chez Cyril à Marie-Louise.
« Je suis Évangéline à Elly, à Aldéric, à Aimée, à Minic. Je suis une immigrée. Oui, je suis née au Cap en face de chez Azade à Ilda, à Marie, à Vilbon. J'ai émigré au Havre-Aubert au ras de chez Cyril à Marie-Louise.
De bonne heure le matin ma mère me huchait :
— Envoin la baîlle et pars le butin sur la ligne.
Puis quand y avait apparence de vent d'ouesse, y fallait tout dépende le butin.
— Tu furbiras aussi le poêle avec la mine de plomb et les ustensiles avec d'la terre blanche et d'la cendre. Balie la place, lave les plats et envoin la baratte et le babeure. Pis va charrier l'eau à la beurroir et charpis la devesure.
Tous les printemps y fallait balier le raclôt avec le balai de varnes parce que ma mère disait que les gens d'en dehors allaient atterrir. De son bord, elle brassait des torteaux, des doux et des pas doux qu'elle nichait dans une terrine de faïence. Mon père, lui, y cachait son flocon de chien dans le sailboard. Pis y avait tout un tintamarre dans le tambour.
— Tu vas en manger toute une gratte si te souque ! disait-il au premier qu'il rencontrait.
Ma grand-mère, elle, savait toutes les maladies. Avec son flocon de tamzi, elle faisait le canton. Et quand c'était des cas de difficulté, mon père allait mener le docteur dans sa box, pis quand y faisait un stamp, y perdait les balises.
Le soir, ma mère me huchait encore.
— Fais des faillôts, des beurredouilles et des confitures aux moconques pour toute la ramée.
Enfin pour nous reposer, assis sur la boîte à bois avec notre cavalier, on brochait des caleçons et des mitaines de cage avec la devesure qu'on avait écardée. »
— Envoin la baîlle et pars le butin sur la ligne.
Puis quand y avait apparence de vent d'ouesse, y fallait tout dépende le butin.
— Tu furbiras aussi le poêle avec la mine de plomb et les ustensiles avec d'la terre blanche et d'la cendre. Balie la place, lave les plats et envoin la baratte et le babeure. Pis va charrier l'eau à la beurroir et charpis la devesure.
Tous les printemps y fallait balier le raclôt avec le balai de varnes parce que ma mère disait que les gens d'en dehors allaient atterrir. De son bord, elle brassait des torteaux, des doux et des pas doux qu'elle nichait dans une terrine de faïence. Mon père, lui, y cachait son flocon de chien dans le sailboard. Pis y avait tout un tintamarre dans le tambour.
— Tu vas en manger toute une gratte si te souque ! disait-il au premier qu'il rencontrait.
Ma grand-mère, elle, savait toutes les maladies. Avec son flocon de tamzi, elle faisait le canton. Et quand c'était des cas de difficulté, mon père allait mener le docteur dans sa box, pis quand y faisait un stamp, y perdait les balises.
Le soir, ma mère me huchait encore.
— Fais des faillôts, des beurredouilles et des confitures aux moconques pour toute la ramée.
Enfin pour nous reposer, assis sur la boîte à bois avec notre cavalier, on brochait des caleçons et des mitaines de cage avec la devesure qu'on avait écardée. »
La maison de mes grands-parents, à Havre-Aubert, Iles de la Madeleine |
PETIT LEXIQUE (approximatif) recueillis de maman dans l'année 2000
raclôt - un pré humide à proximité de la maison
me huchait - m'interpellait
envoin la baîlle - préparer la cuve (demi-baril de bois)
butin sur la ligne - la lessive sur la corde
dépende le butin - rentrer la lessive
furbiras - nettoyer et polir
charpis la devesure - écarder la vieille laine
balai de varnes - balai fabriqué à l'aide de petites branches
torteaux - grosses galettes faites de farine blanche et de mélasse
flocon de chien - flacon de boisson (résidu de bière de riz)
sailboard - vaisselier
une gratte - une taloche
si je te souque - si je t'attrape
tamzi - remède à base d'herbages, tisane
box - petite carriole (horse-box)
stamp - tempête (de neige)
y perdait les balises - il ne voyait plus son chemin
faillôts – fèves au lard
raclôt - un pré humide à proximité de la maison
me huchait - m'interpellait
envoin la baîlle - préparer la cuve (demi-baril de bois)
butin sur la ligne - la lessive sur la corde
dépende le butin - rentrer la lessive
furbiras - nettoyer et polir
charpis la devesure - écarder la vieille laine
balai de varnes - balai fabriqué à l'aide de petites branches
torteaux - grosses galettes faites de farine blanche et de mélasse
flocon de chien - flacon de boisson (résidu de bière de riz)
sailboard - vaisselier
une gratte - une taloche
si je te souque - si je t'attrape
tamzi - remède à base d'herbages, tisane
box - petite carriole (horse-box)
stamp - tempête (de neige)
y perdait les balises - il ne voyait plus son chemin
faillôts – fèves au lard
beurredouilles - pâtes cuites dans la mélasse
pour toute la ramée - pour toute la famille
brochait - tricotait
***
1945: Des sous-marins allemands rôdaient encore dans le Golfe St-Laurent
Maman et moi avions fait le voyage de Québec sur le North Gaspé
pour toute la ramée - pour toute la famille
brochait - tricotait
***
1945: Des sous-marins allemands rôdaient encore dans le Golfe St-Laurent
Maman et moi avions fait le voyage de Québec sur le North Gaspé
À deux ans, lors de mon premier voyage aux Iles avec maman.
En haut, à droite, avec oncle André. |